dimanche 1 décembre 2013





LES DEVOIRS
La maitresse, l’école
Les parents, les enfants
les devoirs, le savoir
Du temps
Le temps pour chaque chose
Des passerelles fragiles et branlantes,
Devoir se mettre encore au travail, être tenu
Refaire la classe
Le soir
Des soupirs
Se démettre de son enfance pour se remettre dans la peau de l’élève
Encore
Quelle torture!
                      Qui sont nos enfants ?
                      Qui sommes-nous ?
Le regard de la mère
Le regard de l'enfant
L'élève...Entre
Miroir flou
Des devoirs après la classe :
Du temps en moins pour savourer l’être dans son essence
Du temps en moins pour laisser l’âme s’exprimer et vivre un allant de soi
Du temps volé aux rires spontanés et authentiques à partager
Devons-nous encore poursuivre cette torture ?
Ce renvoi de soi ?
Soit !
Miroir trouble



dimanche 13 octobre 2013

TARA



Ses paupières encore fermées, Tara gesticule dans son lit, encore trempée de la sueur de la nuit passée. Les premiers rayons percent à travers un trou dans le coin de la fenêtre. Elle se sent d’attaque, puisant dans ce filet lumineux une énergie  incroyable pour entreprendre cette longue marche en solitaire. La solitude qu’elle recherche ne ressemble en rien  à un isolement subi impitoyable. Non, c’est  une déconnexion recherchée, décidée et même nécessaire. Elle l’estime rare et précieuse. Elle veut en savourer chaque instant et être présente à ce RDV avec elle-même. Elle se prépare avec beaucoup d’attention, chaque geste s’imprime dans son corps. Ses vêtements de randonnée l’habillent d’une joie sans pareille. Elle se sent fière de sa décision de marcher seule, du silence qu’elle va cueillir et qu’elle saura transformer en force.Son short élastique mais suffisamment lâche lui procure une deuxième peau, une enveloppe  d’une douceur apaisante et relaxante. Sa brassière contenant ses seins fermes renforce sa fierté. Elle bombe la poitrine spontanément. Elle saisit son reflet par accident, dans le miroir de la chambre d’hôtes qu’elle s’était choisie pour passer la nuit après sa journée de marche. Elle scrute ses formes équilibrées, ses jambes régulières et ambrées par le soleil de cet été. Elle se trouve séduisante et femme. Elle chausse ses grosses chaussures lourdes pour fouler la terre afin qu’elle la sente présente au monde à son tour. Elle se sent si légère.
La voilà fin prête. Elle sort et avant de fermer la porte, elle balaye du regard cette chambre vert-olive, elle sourit, se parle à voix haute, et rappelle à cet espace que ce soir elle enpuisera la douceur quila conduira vers le sommeil. Le silence des lieux la rassure là-dessus : elle passera une belle nuit.
 Là-haut, le soleil trône prétentieusement .Tara le vénère car elle sait qu’elle peut compter sur lui et sur son rayonnement.
Son itinéraire à la main, elle cherche son chemin. Ses pas tranquilles la transportent, elle se sent digne. Dans le craquèlement des pierres sous ses pas elle écoute sa vivacité, son obstination, elle en réajuste les hanses de son sac à dos jusqu’à ne plus le sentir et faire corps avec lui.
Son regard s’active en cadence avec ses pas, elle embrasse la forêt de chênes qui ne laisse aucune marge permettant à l‘horizon de naitre. Elle marche en attendant de  savoir, de voir. La randonnée en forêt pour elle ressemble à une toile sur laquelle le peintre n’a pas encore posé son pinceau. Pourtant le tableau est dans sa tête vibrant  de couleur et de mouvement. xx
Elle fait des efforts pour ne penser à rien d’autre qu’a cet instant, mais l’étroitesse du sentier la met mal à l’aise. Sa poitrine se serre sans prévenir, sans raison évidente. D’un pas exagérément assuré, elle dessine des ponts avec ses jambes comme pour éviter quelque chose, un obstacle invisible. Ses yeux vaquent  dans tous les sens afin d’empêcher les branches qui tenteraient de lui barrer le chemin. Elle ne se laisse pas abattre, derrière ses lunettes de soleil elle se protège des épines. La solitude choisie a un coût semble t-elle se rendre compte.
Un mauvais sentiment l’envahi soudainement. Elle vacille entre le désir de poursuivre cette quête du silence,et l’envie de rebrousser chemin. Mais, faire marche arrière serait une défaite, un assujettissement à la peur et elle n’en veut pas. Elle a choisi, pour être seule, cette forêt entourant un ruisseau asséché dans des gorges. Elle avale sa salive, tente de se raisonner, inspire profondément pour s’assurer que rien ne peut lui arriver. L’étau pourtant dans sa poitrine se serre. Le silence qu’elle recherchait devient bruyant. Elle commence à sentir la peur. Cette peur chimérique qui grandit par la pensée, par l’idée même de la peur. Où va-t-elle la puiser ? Tara se raccroche au vent qui lui apporte un doux chant d’oiseau un peu atypique, presque exotique, elle se raccroche aux couleurs de cette végétation étincelante et à l’idée de son portable en cas d’urgence. Elle se demande alors où est le libre arbitre.L’exerce t-elle dans  cette volonté pure à choisir de vivre sa solitude en marchant ? Oui elle marche, c’est cela qui importe, se réconforte t-elle.
C’est la fin de l’été, la rivière asséchée offre son lit dans la quiétude, un lit gris recouvert de vieilles algues, de cailloux aux reflets salés, sans âmes. Un lit blanc. Un linceul entouré d’arbres immobiles. Tara essaye de se conditionner, un mot qu’elle trouve vraiment déplacé ici mais elle a besoin  de se raisonner, de balayer les idées et pensées morbides qui ont assailli sa tête et son corps en si peu de temps et sans prévenir. Dame Nature est redoutable, se dit-elle. Elle se met à douter de cette grande Dame aux mille costumes, de ses vertus ressourçantes. Ça y’est, elle se met  à accuser Dame Nature !
« Trop facile, se renvoie-t-elle à voix haute. La peur vient de moi, pas de Dame Nature ».
Ses pas se font plus rapides, plus saccadés. Ses sens sont amplifiés mais pour percevoir ses peurs dans les troncs difformes des arbres, dans le bruissement mystérieux et fantomatique du vent, dans le craquèlement des branches dans les fourrés, dans l’écho des pas dans sa tête, dans le ressac de ses pensées obsédantes. Son sac pèse sur ces épaules.Elle stoppe pour boire une gorgée d’eau et se ressaisir «  la vie est belle, tu rêves tellement de ces moments là, pourquoi les gâcher avec tes idées noires, «  émet-t-elle en son for intérieur. Elle  a du mal à avaler cette eau qui se coince dans sa gorge, offrant au silence un bruit de déglutition forcée. La rivière sèche qu’elle suit depuis le début de cette aventure elle aussi retient ses eaux. Tout est immobile et pourtant si tumultueux.
Heureusement, des criquets  à chaque saut offrent leur ventre rouge-passion à ce paysage monochrome. Des papillons jaunes aussi  l’accompagnent quand elle reprend la marche. Elle accroche son regard à ces compagnons de voyages et s’imagine  leur courte vie qui  se résume à virevolter et à butiner.
Un voyage, oui c’est cela, la marche est un voyage, semble t-elle définir ?
Un voyage, un espace à conquérir, de nouveaux chemins à découvrir, de la beauté à s’offrir en cadeau, voilà se qu’elle est venue chercher.Pourtant c’est son corps qui se découvre, un corps qui tremble, un corps assoiffé qui ne sait plus boire, un corps à porter qu’elle trouvait pourtant si beau ce matin, un corps à ramener entier, finit-elle par conclure.
Au détour du sentier, enfin une percée de lumière, le ciel bleu embrasse Tara  qui sourit. Un rire conditionné, nerveux, un rire de conjuration.
Le sentier grimpe .Sous ses pieds les pierres roulent, emportant dans un tremblement des éclats de sa peur. Elle se baisse pour délacer ses chaussures de marche qui ont porté ses pieds gonflés d’inquiétudes. Sa main posée au sol effleure une pierre chauffée, exhalant sa poussière blanchâtre. Sous ses yeux, un scarabée noir luisant s’est arrêté, probablement pour écouter les battements du cœur de Tara. Celle-ci fait une pose pour reprendre du souffle. Un souffle qui reprend son essence. Elle sourit à la bête noire et à ce noir arc-en-ciel sur son dos, toujours immobile. Le scarabée reprend sa route et la peur de Tara doucement  s’en va aussi, comme si elle s’était posée sur la carapace noir arc-en ciel de l’insecte.
A présent, la marcheuse s’accroche aux rapaces qui planent avec plénitude dans le bleu lointain : un concert d’ailes avec le vent. Elle  se sent mieux, moins seule et en harmonie. L’horizon ouvert balaye ses dernières inquiétudes .Cela fait déjà plusieurs heures qu’elle chemine même si le temps lui semblait paradoxalement suspendu. Son corps retrouve peu à peu une légèreté, celle qu’elle est venue rechercher. Elle bâille, s’étire, commence à converser avec les oiseaux qu’elle croise sur son chemin, de plus en plus nombreux. Où étaient-ils ?S’interroge t-elle. Ils étaient là pourtant. Elle capte des clapotis qui s’amplifient  au fur et à mesure des ses pas. Des voix au loin la rassurent, des échos de jeunes gens semblant profiter d’une cascade d’eau. Il y a de l’eau, le savait-elle?
Son regard plonge dans le lit de la rivière, un lit d’ombres et de lumières, un lit de gros cailloux ronds et lisses et de branches entières, un lit de silence tranquille. Le soleil dessine des arabesques en jouant avec les feuilles sur les arbres.
Tara regarde l’heure sur son portable : cela fait déjà 4 heures qu’elle marche.
4 heures d’oscillations  mais 4 heures de marche, de mouvement. Elle se dit que son horizon s’est ouvert, que la quête du silence est coûteuse, qu’elle l’accepte et même elle se sent digne.Digne d’avoir marché, d’avoir affronté ses peurs, digne de ne pas avoir abandonnée, digne de son choix, digne de choisir.
Elle a enfin bouclée la boucle.
C’est la fin de la journée, le soleil l’attend pour se coucher, elle s’accroche à lui avec tendresse. Elle se dit qu’elle a choisi de marcher seule, de boire seule, de rire seule, d’avoir peur seule : le voyage est intérieur à présent. La marche sonde l’intériorité de l’être, écrit-elle sur son petit carnet. Le dernier rayon de soleil dessine un filet horizontal au loin, Tara  sur la terrasse de sa chambre attrape le silence et le conduit au sien, maintenant apaisé.




mardi 24 septembre 2013

FORET (randonnée dans les gorges de la Buèges/Hérault)




Libre inquiétude
Dans ton ventre pourvu
Les ondes de mes pas déraisonnent dans ma tête

Seule entre tes racines
J’ai quitté l’humain
Pour sombrer dans ton dedans
Je me suis suspendu à tes pulsions
Incertaines
J’ai cherché dans l’écho de tes arbres, dans le lit du ruisseau
Des sursauts de passions
Des voix en résonance

J’ai attrapé le silence
Pour le conduire au mien
Encore bruyant
Sur des tapis de pierres, j’ai jonglé avec mes regards
Passant de la peur aux rires de mes pas

Chemins
Tes forces sont invisibles
Tu puises dans les miennes pour me (re)conduire à ma source
Sonder mon intériorité
La révéler
Sans reflet


lundi 16 septembre 2013

CHOIX Texte écrit à partir D'Asturias - Isaac Albeniz





Faire ou ne pas faire ? Rire ou ne pas rire ? Hurler sa joie dans un délire. Sauter sa chance. Créer des éclats. Fuir les bruits. Jouer ou être sérieux ? Contempler ou agir ? Comprendre ou nier ? Provoquer ou se taire ? Marcher ou courir ? Transmettre ou se démettre ? Vivre ou mourir ? Vivre. Vire. Vie. Se détacher ou rester ? Rendre l’âme ou s’en servir ? S’envoler plus haut ou attendre immobile ? 
Choisir. Moisir. Choisir

Oiseau.

Sur la terrasse, un chat l’attend.

Battements d’ailes glisse sur le vent tranquille, il vire.

Monter, toujours plus haut.

Liberté.

Se laisser porter par le vent ascendant.

Souffler.

Piquer une tête, diriger son regard. L’oiseau bat du cœur.

Chute chutttt

Phrase dessinée par ses ailes.

Dans le vent.

Libre.

Il a voyagé dans son ciel.

Atterrissage.

Sur le mur.

Un pas après l’autre. Le chat s’approche. Grimpe doucement. Il sait que l’oiseau est là.

Il ose.

Ascension de la muraille, tango de rires ou chute immédiate à l’arrivée.

Qui sait ?

Vertige.

Ciel ouvert sur les possibles.

La nuit s’installe. Des pattes virevoltent sur la dalle glacée de la terrasse. La lune les observe avec son sourire bienveillant.

Danse.

Attention ronron du chat sur le toit.

Caché, prêt à l’attraper.

Il prépare son entrée.

Course, il le guette. Défi nocturne.

L’oiseau s’approche lentement,

Innocent

Le chat le poursuit.

L’oiseau saute, ne veut pas voler. Il joue à cache à cache sur le toit qui glisse, qui tombe, qui brille.

Lumière qui l’a attirée. Reflet de la lune dans les yeux du chat.

Attention, le voilà l’instant magique : la peur, la sueur de l’inconscience.

Vie ou mort de l’oiseau ?

Le chat s’agrippe au mur, s’échappe.

L’oiseau s’accroche au vent, s’envole.

Échappée belle !

Vies.