mardi 29 septembre 2015

Jalousie

aquarelle été 2015

Elle avait choisi le moment du coucher pour le lui dire. Non, ni à la sortie de ce fichu appartement, ni dans la voiture : elle voulait que ce soit le plus tard possible. Elle voulait lui faire mal à lui aussi en lui manifestant de la froideur.
Son regard se fronça soudainement et sa respiration s'accéléra, allez, il faut qu'elle se lance, c'était maintenant ou jamais ! Elle savait pourtant qu'il adorait ce moment, juste après la lecture de la dernière ligne de son roman, quand ses membres engourdis s'abandonnaient sous la couette chaude. Quel bonheur elle entendait résonner au fond de lui ! Elle lui jeta un sourire un peu forcé et il lui en rendit un, beaucoup plus tendre que le sien. Il s’attendait à ce qu'elle lui parle de quelque chose d’important, mais il n'avait pas conscience de la gravité du moment. Il était toujours souriant et sa béatitude sérieuse ne l'aidait pas, elle, à lâcher le morceau. Il lui embrassa délicatement et avec beaucoup de tendresse la joue. Elle resta froide…. Peut-être désirait-elle qu'il l'aide à faire son aveu ? Il l'invita au creux de son épaule, heureux de sa belle soirée.
« C'était une belle soirée, tu ne trouves pas ? » Elle resta muette. Il poursuivit ses remarques sur la qualité des invités et il insista particulièrement sur cette femme qu'il trouvait exceptionnelle, belle et très intelligente. Ah oui enfin parlons d’elle, se disait-elle en son for intérieur. Aucun son ne sortait de sa bouche : seul un « t'as beaucoup bu ce soir ? » Il s'empressa de tourner légèrement sa tête pour éviter de l'embaumer de cette haleine d'alcool tardive. Toujours plein d’attentions. Il ne lui rendait pas la tâche facile. Elle lui répondit qu'elle n’avait pas trouvé cette soirée vraiment extraordinaire et qu'elle serait bien rentrée plus tôt. « Ah bon », fit-il surpris. « Oui », ajouta-t-elle, pleine d'amertume. En plus il n'avait même pas remarqué qu'elle s'ennuyait !
Il se redressa un peu pour scruter l'expression de son visage, il savait qu'elle n'était pas du genre ni à se plaindre, ni à manifester ses sentiments, ni à parler ouvertement de choses importantes ou graves. Ce soir il remarqua une ride d'expression particulière. Elle, de son côté se posait la question de savoir s’il l’aimait vraiment et sincèrement comme il le laissait entendre si souvent. Elle pensait même qu'il pouvait facilement tomber amoureux d'autres femmes et qu’il lui était même arrivé de la tromper. À peine cette idée l'effleura-t-elle qu'elle se raidit. Lui l'enlaça de plus belle, lui avouant à nouveau son amour si fort et profond.  Il fait comme si de rien n’était en plus… C’est dingue comme d’un instant à l’autre, on peut ne plus être sur la même longueur d'onde. Elle doutait de plus belle et son cœur se resserrait comme en un étau. Elle avait mal. Il sentait bien que quelque chose n'allait pas. Il fit semblant de ne pas savoir de quoi elle parlait. C’est sûr, il fait le niais. Quel fourbe ! À quoi bon, peut être qu'il est menteur et bon comédien après tout. Les doutes l'envahirent, elle ne répondait plus de rien.
Elle enrageait, mais n'arrivait pas à lui dire qu'elle était folle de jalousie. Un sentiment qu'elle détestait et qui provoquait chez elle une avalanche de souvenirs, de situations similaires, qui la mettait dans tous ses états. Si elle parlait, elle savait qu'elle allait provoquer un raz de marré risquant d’ébranler cet équilibre construit. Mais fragile quand même !  Il faisait mine de ne pas comprendre et répétait souvent qu'il avait besoin de mots pour appréhender ce qu'il se passait dans sa tête. Une tête qui va exploser ! 
Elle préféra alors se taire ; après tout, il persistait bien à étaler son amour pour elle et puis un mec comme cela, ça ne court pas les rues. Elle hésita à relancer la discussion. Lui attendait toujours qu'elle parle. Il disait souvent qu’elle était une huître et il n’aimait pas cela. Quelquefois il lui avouait même qu’il avait peur qu'elle ne l'aime plus.
Il l'enlaça de toutes ses forces, craignant peut-être le pire, lui aussi dans sa tête. Il l’étreignit de tout son corps, de toute son âme. Il l'aimait c'était sûr. Fallait qu'elle arrête son délire. Pourquoi était-elle si peu sûre de l'amour qu'il lui portait ?
Elle décida de se taire, elle savait qu'elle n’allait pas dormir de la nuit... mais demain les démons ne seraient plus là pour la triturer.
« Bonne nuit tendre amour », lui lança-t-il en enlaçant ses jambes dans les siennes, comme une symbiose parfaite.

mardi 22 septembre 2015

"Le silence est comme l'ébauche de mille métamorphoses" Yves Bonnefoy
 
Aquarelle

samedi 12 septembre 2015

Alice danse autour de moi...

Le lever su soleil de Francis PICABIA

Avant je savais que je ne savais pas. Enfin je crois. Maintenant je sais que je savais. Enfin je crois. C’est bizarre. Oui il y a un avant, mais un avant à quoi.
Le voyage commence alors pour moi. Je sais même qu’il a commencé il y a très longtemps sur l’océan mouvementé de mes peurs. C’est déjà un début d’un avant possible, non ?
Cet avant est peut-être ce jour où une clé dépliée est passée sous le seuil de ma porte ventriculaire, cloisonnée depuis une éternité. Une cloison arc-en -ciel pourtant, si colorée des présents de la vie que je sais accueillir avec beaucoup de vérité.
Cette clé ouvrirait-elle la porte de communication entre les deux ventricules ?
Ouvrir. Un mot ouvert. Un mot large comme l’espace qui apparait sous cet iris en fleur.
J’essaye. La clé tourne, la porte s’ouvre.
C’est comme si je rentrais par mon œil, celui du centre. Je glisse dans la boursoufflure liquide de mon corps. Je coule de ma peau.
Des chemins visibles s’étalent à perte de vue. Un tapis de miroirs nous invite moi et mon image à nous rencontrer. J’écarquille mes yeux.
L’œil nu, dénudé doit retrouver sa convergence, lier les sens, explorer ces nouveaux espaces. Du déjà vu pourtant s’offre à la vision. J’avance doucement.
Je jette un coup d’œil pour faire mal aux sens qui s’éparpillent. J’avance sur la rotondité de cet espace qui se prolonge à l’infini. Je me regarde marcher dans le reflet, sur les passages possibles, mes pieds désormais trempent dans l’eau du miroir. Un miroir en guise de terre.
Ma peau liquide se confond à l’espace.
Voir entre, je vois entre.
Je lève les yeux au ciel, un ciel sans limite.
En face la nature perchée m’appelle. Les racines d’un arbre au loin gesticulent pour m’attirer vers lui. Je m’approche et le touche de ma paume. Il entre en moi, traverse les lignes de vie de ma main, s’accroche à mes mémoires enfouies. Je le laisse faire. J’ai trop longtemps résisté. Il tisse à l’intérieur des lianes pour me raccorder à moi.
Je m’éparpille et il me lie.
L’oiseau perché à sa cime chante. Il m’invite à détendre mes cordes celles qui ont soutenues ma peau le long du fil à linge de l’existence.
Ouvrir. J’ouvre la bouche. Je n’entends pourtant pas les vibrations qui traversent mon âme. Mais, je vois. Je vois une image au sol, une onde se propager, fluide et claire. Elle suit un chemin qui sort de terre, se soulève et rejoins le chant de l’oiseau, là-haut, perché. La mélodie revient par mon oreille qui s’ouvre elle aussi.
Je danse, mes pas portent mon chant.
Quelle merveille ce monde Alice !
Le vent s’accroche à moi.
Je laisse faire.





vendredi 11 septembre 2015

Tout en couleur

Pluie de couleurs

mercredi 9 septembre 2015