Si tu viens à passer par la cité Arc
en Ciel ne cherche pas de blanc, t'en trouveras pas. Le seul blanc de la cité,
c'est François.
François m'a dit que lorsque l'on
sera adulte on pourra choisir de vivre ici ou ailleurs.
Moi je veux vivre ailleurs.
Les couleurs c'est beau mais c'est
encore plus beau quand elles sont mélangées.
Par exemple, moi je suis brune,
marron quoi! Il paraît que l'on obtient le marron en mélangeant toutes les
couleurs. Mais les gens eux préfèrent voir que je suis foncée. François, lui,
voit les couleurs en moi.
Il paraît aussi que le blanc n'est
pas une couleur. Moi je trouve que s'en est une. C'est celle du lait, du coton,
de la pureté du cœur de François.
Un jour on habitera ensemble comme
cela on inventera plein de nouvelles couleurs.
Il y a longtemps que mes parents
vivent à la cité Arc en Ciel. Ils sont arrivés là par bateau avec rien du tout.
Je n'étais pas encore née. Ils ont fait plein d'enfants par la suite. J'ai du
mal à imaginer maman, papa et mémé Nadjati avec rien et sans enfants.
Papa me montre quelque fois des
photos de là-bas.
Souvent il pleure après. Je ne sais pas pourquoi. Il ne dit
pas grand chose papa, d'autrefois.
Alors je demande à Mémé Nadjati de
me raconter. Elle m'assoit sur ses genoux et me chante la langue de mes
parents. Je ne comprends pas tout mais c'est beau.
Elle ressort l'album photos et me
raconte les couleurs, les parfums, les saveurs de leur pays.
Sur une des photos maman apparaît
comme une fleur, elle était belle. Elle portait une robe légère plein de couleurs dessus. Ses pieds étaient
chaussés de sandales, on pouvait voir ses petits pieds respirer. Elle n'avait
pas de foulard sur la tête comme aujourd'hui. Mémé Nadjati m'explique que les
temps ont changés et qu'ici, en France qu'on soit voilé ou pas on nous voit de
la même manière, on est des étrangers.
Alors je crois que maman préfère se
cacher et rester discrète. Quand je la regarde maintenant je trouve qu'elle est
vraiment différente.
Alors, pour aller voir François je
décide de mettre un voile sur la tête. Comme maman je passe un trait sous mes
yeux avec un crayon de Khôl. Il paraît que cela les nettoie et qu'on y voit
mieux après. Comme ça je pourrais mieux voir les couleurs de François.
François habite au troisième étage
de mon immeuble. L'ascenseur est cassé. Dans l'escalier cela sent mauvais et
des déchets traînent sous mes pieds. Sur le pallier, le chien de François
m'accueille gentiment.
C'est le père de François qui ouvre.
-Bonjour Monsieur, est ce que
François peut venir jouer avec moi?
Il fronce les sourcils, soucieux. Il
ne me répond pas mais de la porte il crie très fort:-François, c'est pour toi.
Je baisse la tête, j'ai un peu honte mais je ne sais pas pourquoi, peut être
mon foulard?
Je sens qu'il ne m'aime pas.
Avec François je sais que je suis
moi. Il sait lire en moi. Je suis bien avec lui.
Quelque fois on s'amuse à s'écrire
même si nous habitons le même immeuble.
De sa chambre, il laisse descendre
un petit panier avec une corde jusqu'à mon étage, au premier. Il m'envoie des
lettres, des cadeaux. On s'invente des poèmes, des chansons, de rêves, des
vies. On s'est inventé une adresse à chacun: celle de François c'est Rue de la
poussière étoilée et la mienne Rue des dunes fantastiques.
Ce matin j'ai reçu un petit paquet
dans le panier.
C'était un petit sac avec plein de
pétales de toutes les couleurs.
J’ai
vidé le sac par terre, on aurait dit un arc en ciel. Dans ma chambre cela
sentait drôlement bon.
J'ai fermé mes yeux et les couleurs étaient toujours là.
Texte écrit ( il ya a 5 ans) à partir d'un album jeunesse de RASCAL
et GIREL"côté cœur". C'est le point de vue d'un autre des personnages de
l'histoire. Celui de la petite fille alors que dans le texte c'est celui
de François.
Douceur (fusain) |
J'adore...
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