Maman disait
toujours « quel beau temps ! où quel sale temps ! Ça dépendait
du temps et de son humeur.
Moi dans mon coeur,
je ne savais pas quel temps il faisait ; il faut dire que je rêvais
souvent, ma maman, elle, était dans la réalité.
Un jour j'ai fait
un rêve extraordinaire, un vrai, un de ces rêves que l'on répète cent fois au
petit réveil pour ne pas l'oublier. Et bien celui-là, je le connais presque par
coeur. J'étais en Afrique... au Sahara et je partais en excursion accompagnée
de mon tonton et de ma cousine. Un groupe d'inconnus faisait partie de cette
aventure.
Là bas, il faisait
toujours beau, toujours ensoleillé ; maman aurait eu raison de dire quel
beau temps !
Le premier matin, nous avons fait la connaissance de
notre chamelier, pas un homme déguisé en chameau, mais plutôt un homme qui
connaissait bien les chameaux. Il s'appelait Zinboud*. J'ignore ce que signifie
ce prénom, mais cet homme ne souriait jamais. Lui et son chameau ne faisaient
qu'un.
*1prenom n’ayant aucune signification.
C'était l'année de
mes 15 ans, l'age rebelle il parait.... alors le Sahara
quel ennui !
Du sable la nuit en guise de matelas,
du sable à midi dans les plats, bref... c'était
ennuyant et pas très varié comme décor même si quelques fois on s'enfonçait dans
le sable.
Ce voyage c'était l'idée de mon tonton, un
cadeau d'anniversaire....Mes bougies je les aurais bien soufflées ailleurs !
Par exemple à
Paris, à Barcelone dans une grande ville pleine de gens et non pas au Sahara
avec comme compagnie ces chameaux qui passent leur journée à blatérer et à se
remplir pour garder leurs bosses bien droites. Les pauvres, j’ai quand même un
avantage, je ne vais pas rester ici tout le temps.
De toutes les façons,
je ne pouvais pas faire marche arrière. J’étais avec des gens que je ne
connaissais pas et en plus ils ne se parlaient pas avec des mots. Ils
utilisaient leurs yeux et leurs mains pour se faire comprendre. Moi je ne
comprenais rien, mais alors rien du tout.
Ma cousine semblait davantage comprendre
que moi. Enfin elle en donnait l'impression. Elle avait deux ans de plus que
moi et elle ressemblait à une femme. Moi je n'avais pas envie d'être comme
elle. Je décide alors de ne pas suivre le groupe.... enfin pas de prés. Je
restais derrière je pouvais voir les gens devant et les chameaux se suivre à la
que leu leu. Je respirais très fort, et puis ce n'est pas l'air que j’inspirais,
mais la sable... encore du sable.
Un jour, alors que nous étions à table,
enfin à sable, un homme de la tribu voisine arriva. Il voulait parler à mon
oncle. De loin je les observais, ils gesticulaient et des sourires se
dessinaient de temps en temps sur leurs lèvres. Je me rapprochais pour mieux
entendre ce qu'ils disaient, mais aucun son ne sortait de leur bouche. Ma
cousine non loin de là les observait également, ses lèvres dessinaient des
vagues (dunes) de bonheur. Je comprenais encore moins. Les deux hommes ne
faisaient que regarder dans sa direction. Que lui voulait-il ? L'homme
partit aussitôt.
Plus tard, je découvris qu'il venait la demander en
mariage. Quel cauchemar ! Évidemment, mon tonton ne pouvait pas décider à
sa place, mais elle, elle était ravie que quelqu'un s'intéresse à elle. Cela me
dégoutait. Pourvu que personne ne vienne demander ma main. Autrefois, on disait
comme cela, demander la main, car sans doute l'amour devait se transmettre par
la main, enfin j'imagine.
Cela faisait déjà sept jours que nous marchions sur le
sable, que nous dormions sur le sable, que nous mangions sur le sable et plus
le temps avançait plus je m'enfonçais. Je commençais réellement à avoir mal aux
pieds et cette chaleur aveuglante me gênait de plus en plus. Je m’ennuyais,
rien ne se passait.
Il était, je crois,
treize heures, j'étais assise mâchant du pain chaud cuit dans le sable. C'était
les seuls moments où j'ouvrais la bouche. À ce moment, une ombre vint
rafraîchir mon corps. Je me retournais plusieurs fois pour voir qui c'était,
mais le soleil m'empêché de voir distinctement son visage. Il s'approcha de
moi, fit le tour et s'arrêta. Je me levai, fit quelques pas pour me rapprocher
de lui et quand il ouvrit la bouche, des mots en sortirent. Je le comprenais. Je
répondis avec ma bouche et il sourit. Mes mots parlaient avec les siens. Je ne
sais pas pourquoi, à ce moment-là, ma main prit la sienne. Mon corps devint
chaud. Très chaud. Le vent souffla à ce moment-là, souleva le voile qui
entourait ma tête et la longue robe que je portais sur mes vêtements s'envola
aussi. Je retirais mes chaussures afin de sentir le sable et pour une fois
quand mes pieds touchèrent le sol brûlant je ne m'enfonçai pas dans le sable. Je
flottais. Je sentais l'air entrer dans mes poumons. Ce moment sembla durer une
éternité.... quel bonheur !
Après l’éternité
arriva le vrai temps. C'est là que maman dirait “quel beau temps ou quel sale
temps selon son humeur ? Mais elle n'était pas là. J'étais seule avec lui.
Puis, les mots
cessèrent, mon corps parlait avec le sien, je ne sais comment, nos mains
s'échangeaient des mignardises et je comprenais tout ce qu'il disait. Ma
cousine nous regardait et j'ai cru saisir le temps d'un regard qu'elle ne
comprenait rien.
J'étais légère,
attendri par les caresses de ses doigts. Tout à coup, le vent souffla plus fort
et fit tournoyer le sable. Les dunes changèrent d'aspect. Le froid frôla mes
mains, un souffle caressa mon oreille et me réveilla. C'était le chuchotement
de maman qui disait :” quel beau temps, joyeux anniversaire ». Elle
me secoua tendrement. Je ne voulais pas ouvrir les yeux, car je savais que
j’allais perdre la main et que ce n'était pas le Sahara que j’allais retrouver,
mais ma chambre. Alors je restais là dans mon lit, les yeux fermés, j'essayais
de récupérer la suite de mon rêve pour croire encore à sa réalité. Mais non, la
réalité avait raison de moi. Mes yeux finirent par s'ouvrir. Le voile de la
nuit était vraiment tombé et je vis le sourire de maman. Je retirai ma
couverture colorée vers moi et je me dirigeais vers la fenêtre. Je l'ouvris.
J'inspirais longuement et je répétais : « oui maman, quel beau temps !!
Texte écrit en 2007
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